Par une soirée où ils étaient tous réunis, une lettre envoyée par Sir Kobayashi leur arriva, annonçant sa venue demain, à l’aube, pour revoir tout le monde dans le salon. Un mois et quelques semaines s’étaient écoulés depuis son départ et la venue du chevalier Shinken, et tous et toutes attendaient avec une grande joie et ferveur sa venue pour qu’il puisse conter ce qu’il avait vu avec Lady Shiina. Marchant côte à côte dans la rue éclairé par les quelques bougies des lampadaires, Lady Ecleasia, accompagnée de sir Skyfor, attendait elle aussi avec impatience le retour de sir Kobayashi, qui aurait surement moult récits à leur narrer. Du moins, c’est ce que tous espéraient. Le prolongement de son voyage que tous pensaient de seulement quelques jours, était surement un présage annonçant une bonne nouvelle.
- Pensez donc, sir Skyfor ! Sir Kobayashi est resté en Yudanel plus d’un mois ! C’est surement car plusieurs agréables affaires l’ont retenu, et qu’il reviendra à nous emplis de bonnes nouvelles et d’espoirs !
- Mh, surement, lady Ecleasia. Mais ne crions pas victoire trop hâtivement cela dit. Nous ne savons encore rien de ce qu’il s’est déroulé là-bas. Mais j’ose espérer que ce retard et comme tout le monde le pense, de bonne augure.
- J’en suis certaine ! Vous devriez faire preuve de plus d’optimisme mon cher !
- Je suis optimiste, très chère. Mais j’attends simplement de voir les choses avant de crier ma joie pour celles-ci. Je suis comme tout le monde pour le moment, emplis d’une attente insatiable, mais je me contente de ce doux sentiment pour le moment.
- Dans ce cas, que diriez-vous de m’inviter à diners ce soir pour satisfaire mon insatiable faim ?
Lui demanda-t-elle dans un sourire quelque peu malicieux, qu’il remarqua bien, le signalant en lâchant un léger rire qui braqua alors de manière enfantine la jeune femme.
- Vous moqueriez-vous ?!
- Pas le moins du monde ma chère. Mais venant de la part d’une Lady, il est toujours plaisant et surprenant d’entendre ce genre de choses. Mais soit, je commençais également à avoir faim. Dans ce cas, je vous invite donc.
- Parfait !
Dit-elle en prenant le bras de l’homme, ce qui marqua pendant un léger instant une surprise chez lui, mais aussi un sentiment bien familier. Ne prêtant pas plus attention à cela, comme promis, il emmena la femme a diners dans un quartier agréable non loin de là où ils se trouvaient, prenant une voiture pour s’y rendre cependant. A cette heure-ci, l’ambiance était encore présente dans les rues de ce quartier. Des hommes sortaient de leurs bureaux ou de leurs commerces, commençant a fermer boutique pour les plus paresseux, ou les plus fatigués. Alors qu’a quelques pages d’ici, des quartiers de débauche et de frasques faisaient fortune, d’autres comme celui-ci rappelaient encore une époque prospère et chaleureuse. Les lumières qui émanaient des lampadaires et des vitrines des boutiques ou des restaurants illuminaient toute les rues, donnant une ambiance tamisée et agréable, propice à une ballade complice ou intime pour quelques personnes. Tel un soleil couchant, les lueurs de toute la rue donnaient ensemble cette ivresse de joie et de plaisir que ressentait les passants en ce moment, les lumières tournants au rythme des musiques de piano ou d’instruments à cordes sortants des plus grandes enseignes gastronomiques. Et c’est justement dans l’une d’elle que l’homme fit entrer la femme, tout deux prenant place à une table, ressemblant d’extérieur à un couple heureux et épanouis. Oui, c’était l’impression qu’ils pouvaient donner, à les regarder discuter ainsi, assis l’un en face de l’autre, le sourire aux lèvres. Depuis le début de la création du salon par Lady Cora, des liens s’étaient créés entre certains membres. Plus forts que d’autres pour quelques personnes, c’était par exemple le cas de Lady Ecleasia. Depuis le jour de la visite de la jeune femme au seigneur, leur relation n’en avait été que plus forte, grandis, et ce, malgré tout leur retours neutres ou contestataires. C’était quelque chose qui, à l’instar de ce qu’il s’était passé dans la chambre de l’homme, n’avait pu être caché aux autres membres du salon.
Cela n’en était que plus flagrant dans des moments comme celui-ci, ou, poussée à son paroxysme, leur complicité, ainsi que leur bonheur, semblait décuplé. Dans le regard de chacun, une étincelle brulait, qui avait été dès le premier jour dans ceux de Lady Ecleasia. Une étincelle de joie de vivre, de bonheur, qu’elle n’avait plus ressentit depuis bien longtemps, et qu’elle avait plaisir à éprouver à nouveau, voir pour la première fois. Telle une aurore boréale, ce sentiment qu’elle ressentait était volatile, éphémère dans le cœur des humains, mais il était si intense lorsque l’on avait celui-ci en nous, que le souvenir que l’on en garde, se grave a jamais en nous, au plus profond de notre mémoire, et de notre cœur. Ce sentiment, aussi intense qu’une flamme, brulait d’une douce chaleur dans la poitrine de Lady Ecleasia. Elle le sentait, mais comme une enfant, elle était encore peureuse envers ce sentiment qu’elle ressentait. Elle était capricieuse, engourdie pour cela, et n’était pas sûre d’elle-même. Mais elle avait la certitude que c’était la chose la plus intense et la plus douce à laquelle on pouvait gouter.
La soirée était presque terminée, et la nuit commençait alors à prendre ses quartiers. Sortant du restaurant tous les deux, l’activité dans les rues avait fortement chuté. Tout ou presque était fermé, clos, sans vie ni bruit. Il était temps de rentrer.
Regardant Lady Ecleasia, il fit signe a une voiture, la jeune femme toujours accroché a son bras.
- Je vais vous raccompagner chez vous, miss.
- Pourquoi ne pas aller chez vous alors ?
- Chez moi ? Pourquoi cela ?
- J’aimerai encore parler avec vous. Je ne me sens pas le moins du monde en mal, ou fatiguée d’une quelconque manière que ce soit. Vous me seriez très aimable, si vous l’acceptiez. Sauf si vous préférez que nous nous séparions ce soir…
A cette proposition aux airs d’enfant désirant fortement un jouet, implorant sa mère de l’avoir, sir Skyfor prit un sourire aux lèvres, ouvrant la porte de la voiture qui venait d’arriver, invitant la femme à monter.
- Dans ce cas, allons-y, Lady.
Cette réponse eu l’effet escompté, redonnant a la jeune femme un visage radieux, et ravi. Montant de bonne volonté dans la voiture, tous deux descendirent alors de celle-ci après quelques pages de trajet, entrant dans la demeure de sir Skyfor. Se mettant un peu plus à l’aise que dans le restaurant, ils montèrent tous deux dans la petite bibliothèque de l’homme, qui faisait également office de Salon. Laissant la jeune femme s’installer sur l’un des fauteuils, il apporta après être passé par l’autre côté de la pièce deux verres de cristal remplis à demi d’un digestif. Il tendit l’un des deux verres a Lady Ecelasia et, prenant délicatement le verre de ses deux mains dans un petit éternuement, sir Skyrfor s’assis dans le fauteuil juste à côté d’elle, une expression quelque peu inquiète sur le visage.
- Vous avez pris froid ?
- Ce n’est rien…
- Vos mains sont gelées…
Dit-il en prenant celle que la jeune femme avait laissée à sa portée, posée sur le rebord du fauteuil de velours. A cette chaleur qu’elle sentit venir des propres mains de l’homme, elle ferma les yeux doucement.
- Seul mon corps est froid. Mon cœur est toujours ardent, et brule d’une flamme qui le consume en même temps que moi.
- Que voulez-vous dire ?
- Cela n’a pas d’importance. Cela n’en a jamais eu, aussi longtemps que je suis née avec cette maladie. Je suis arrivé en ce monde sain, et mes souvenirs me donnent pourtant une impression d’éternelle fragilité.
- Votre maladie… ?
- Comment pourrais-t-on aimer une malade comme moi, sir Skyfor ? Une femme presque condamnée à mourir pour donner une descendance a un homme, repoussante de loin de part cette couleur maudite dans le cœur des hommes…
- Que racontez-vous comme sottises, l’alcool de ce soir vous aurait-il renversé l’esprit ?
- Ce n’est que la strict vérité…tous mes amours me paraissent impossible à cause de cette malédiction…c’est là le prix à payer…
Chuchota-t-elle, des larmes commençant à ruisseler sur son visage. Son corps se crispa, demeurant interdit, et sir Skyfor se laissa alors tomber à ses pieds, lui baisant la main, un air consterné sur le visage.
- Ma dame, ne proférez pas de telles paroles, je vous en conjure. Cela n’est que folie et je sais que les inepties qui sortes de votre bouche ne sont que mensonge a votre propre esprit. Vous vous torturez pour une raison futile et qui ne m’apparaît même pas comme un problème.
- Fadaise que tout cela… ! Je ne puis plus en supporter d’avantage.
- Alors laissez-moi le supporter avec vous, mais pour l’amour du ciel, ne vous torturez point l’esprit avec cela. Votre radieux visage n’en est que plus terni encore, et cette vision, ainsi que cette simple idée m’est insupportable. Ne vous préoccupez pas des couleurs de votre malheur, mais prenez plutôt à partit celle qui font votre bonheur. Vous ne cessez pas de me dire que votre couleur favorite est le bleu de l’océan. Un bleu aussi profond est intense que ce que vous ressentez, j’en suis assuré. Pensez seulement à cela, dans ce cas.
Dit-il en se rapprochant du visage de la jeune femme, qui rouvrit ses yeux chargés de larmes, rougis par ces sanglots. Comme voulant parler, elle entrouvrit la bouche, mais de tristesse et de sentiments, aucun son ne parvint à s’échapper de sa bouche. Ce fut Sir Skyfor qui acheva alors, chuchotant au plus près d’elle.
- Ma Lady Bleu...
Acheva-t-il, comme un réconfort venant emporter toute l’amertume et la défaite que ressentait la jeune femme, balayé par ces douces paroles et par la chaleur du baiser qu’il lui offrit, collant avec douceur ses lèvres contre les siennes, rencontrant un gout de tendresse et d’amertume, les larmes coulant encore, de tristesse, mais désormais de joie également.