Après quelques autres propos et un bon repas, le couple se quitta, Sir Desquen restant dans l’enceinte de la place, attendant dans le hall. Les lieux étaient peuplés d’une classe plutôt aisée. Comme un monde coupé en deux, à la frontière d’un gouffre social ou face à la vitrine de l’enseigne, voyous et voleurs attendaient, les clients attablés a ces lieux étaient habillés et éduqués pour refléter une image de prestige de leur part.
Une servante vint apporter sur un plateau un petit papier au seigneur, qui le prit alors pour le lire. Le reposant sur le plateau d’argent, il se dirigea derrière les grands escaliers de marbres, passant dans ce qui ressemblait à une arrière-boutique, mais toujours aussi richement décoré que le reste du bâtiment. Là, un homme armé gardait l’entrée couverte d’un léger rideau rouge opaque.
-Seigneur Desquen. Votre commande est prête.
-Parfait.
Le garde souleva le drap pour laisser passer l’homme, qui arriva directement dans grande salle, à la manière d’un salon. La pièce était ornée d’un grand lit à baldaquin contre le fond de celle-ci, tandis qu’un canapé était disposé sur la gauche, et sur la droite de la pièce, tous deux devant une table basse ou était disposée une bouteille de champagne. Quant au lit, celui-ci avait sur ses draps et son tapis de coussin non pas du champagne, mais des êtres tout aussi pétillants que le breuvage. Cinq jeunes filles, environ du même âge que celui de Lady Syoko l’attendant, le regard quelque peu vide ou fuyant, semblant sous quelques effets de substances, ou de psychologie, les rendant plus…aptes à la tâche qui les attendaient. Un sourire en coin, alors que les deux portes se fermaient derrière lui, sir Desquen laissa son manteau tomber de son corps pour le reprendre et le poser sur un fauteuil avant de s’approcher de son « public » pour y passer une nuit des plus pétillante.
Dans son lit, dans un lieu plus calme et propice à la sainteté, comme la figure qui prenait une infusion en ce moment, miss Anyerius se tenait à demi relevé dans son lit, le drap jusqu’à sa taille. La tasse fumante posé sur son chevet, un livre en main, la jeune femme peinait encore à se coucher a une heure autre que tardive, ou du moins, son quota de sommeil était réduit comme tout le monde le savait. Cela avait tendant à s’améliorer ces derniers temps, comme elle l’avait dit. Mais elle repensait parfois aux visages qu’elle voyait dans ces étranges rêves ou cauchemars. Une femme aux cheveux noirs et a l’œil d’horloge, une autre a la grande chevelure blonde et d’un regard aussi profond que l’océan. Elle se demandait candidement en premier lieu si elles existaient bel et bien, ou si son esprit ne créait qu’une pure invention. Cette seconde option était étayée par l’horloge remplaçant l’œil de l’une des deux femmes. Mais elle restait curieuse comme une enfant de savoir, ou découvrir une possible ou fictive identité pour ces personnes. C’est ainsi, perdu dans ce genre de pensées, que la jeune femme se laissa tomber dans un sommeil qu’elle espérait, comme maintenant presque chaque soir, profond.
Pendant cette nuit, Lady Mashiro était également occupée. Rentrant chez elle, la jeune femme dans sa voiture arrivait aux abords des grands portes de Yudanel. En ces temps de conflit pour la cité, un contrôle était effectué sur chaque véhicule, convoi ou objet pouvant transporter une personne humaine ou même un objet, à l’entrée des portes principales. C’est donc naturellement que l’un des gardes posté devant la grande porte fit stopper comme les autres le véhicule tiré par deux chevaux. Il toqua ensuite à la porte, puis ouvrit celle-ci.
-Bonsoir mesdames.
-Bonsoir.
Répondit alors Lady Mashiro pour elle est la comtesse qui l’accompagnait dans la voiture.
-Comme tous les soirs, nous allons juste effectuer un petit contrôle. Restez donc assise, cela sera rapide.
-Très bien.
La porte se referma ensuite, et le garde commença sa légère fouille. A l’intérieur, la comtesse vit alors que la femme ne lui avait pas menti sur l’état actuel de la ville.
-Alors c’est vraiment comme ça…
-Je vous l’avais dit, comtesse. Nous sommes en guerre.
-Yudanel se méfie de tout maintenant. Il semblerait.
-Il est possible que des espions soient présents. Mais nous avons-nous même des espions qui sont infiltrés dans chaque recoins de la ville.
-Les citoyens savent ça ? Dans ce cas quel intérêt ?
-Nous le savons car le duc a toujours été d’une transparence sans faille pour ses citoyens, sauf pour les choses sensibles comme les plans de bataille. Mais je ne pense pas que cela ait un énorme impact. Au contraire, savoir que des espions sont là, par tout le monde, peut décourager les potentiels espions ennemis. Et on se sent plus en sécurité, à savoir que des ombres veillent sur nous huhu.
La comtesse n’avait pas vu sous les choses sous cet angle. Elle l’envisagea maintenant, mais cela lui paraissait toujours quelque peu inconcevable. Dans un empire ou tout était caché ou pourri, et un roi a la tête d’un pays frontalier en faisant de même, une telle cité, transparente, sans cachoteries pour son peuple, était une espèce d’utopie qu’on lisait dans les contes de fées pour enfants. Finalement, on retoqua à la porte, et le garde réapparut.
-Tout est bon. Je vous souhaite une bonne soirée mesdames.
-Merci beaucoup. De même pour vous.
-Merci.
Une fois le véhicule passé, l’organisation de la cité expliquée sommairement, et le second mur passé, la comtesse descendit alors de la voiture, laissant Lady Mashiro seule avec ses craintes.
-Vous êtes sure de vouloir continuer seule ?
-Certaine. Je ne veux pas vous porter préjudice. Vous en avez déjà assez fait pour moi, et je vous suis reconnaissante.
-Très bien…Dans ce cas, bonne chance à vous.
Un mouvement de tête en guise de remerciement, et la comtesse ferma la porte, regardant la voiture partir au loin. La comtesse regarda alors tout autour d’elle. Cette ville au milles et unes promesses. Ces somptueuses bâtisses et ces habitants si heureux. Elle aurait aimé faire un peu de tourisme, mais l’heure était aux réponses, et pas à l’exploration de plaisance. Sortant de sa sacoche la grande pièce, elle la regarda alors fixement, pensive.
-(Je ressens son énergie…Si je peux qualifier ça d’énergie, ou d’aura...peu importe, quelque chose s’éveille. J’ai vu cette ville en rêve, ou du moins je crois l’avoir vue…Et ces armes viennent d’ici selon les rumeurs…tout, ou plutôt le peu que j’ai semble me conduire ici. Je dois trouver pourquoi. )
Elle voulait suivre cette sorte d’aura qu’elle sentait par le biais de cet artefact qu’elle gardait désormais près d’elle. Bien sûr, la femme était allée le faire examiner par quelques antiquaires et relations dans le domaine de l’histoire et de la recherche, mais personne ne put donner d’explications ni d’origine à cet objet. Marié à son instinct, elle se laissa alors guider par ce qu’elle croyait être une piste naturelle, quelque peu occulte.
Elle marcha alors dans les rues sombres de la ville, presque désertées. A certains coins de rues, quelques commerces étaient encore ouvert, semblant avoir un service en continue pour permettre de fournir vivres ou autres besoins à tout moment. Une initiative que la femme trouva louable en poursuivant sa route. Ce qui la frappa en premier lieu fut le bonheur flagrant régnant ici. Le sourire sur le visage des gens, leur ambiance et leur allure décontractée, le dos haut et pas rompu comme elle le voyait dans l’empire. Un sentiment de bonheur exalté mais toujours discret semblait régner, dans l’inconscient collectif. Pour un empire ou la trahison et la corruption gangrénaient jusqu’à l’os même les élites, la jeune aristocrate trouvait cela suspect, ne pouvant se résoudre à se laisser duper si simplement. Et pourtant, tout semblait non pas parfait, mais au mieux dans la meilleur des villes.
Comme une luciole virevoltant entre les lampadaires encore allumés dans les rues, elle continua sa route pour arriver sur une grande place ornée d’un arbre semblant être aussi vieux que la ville elle-même. Au centre de la place, ses feuilles couvraient de la vue de la femme, la grande tour de l’église qui était situé au-devant de cette place. De cette bâtisse aux vitraux encore éclairés à cette heure émanait un chant audible à cette distance, si l’on tendait bien l’oreille. Ce que la comtesse fit. Ce chant, elle ne le connaissait pas, mais surtout, ne le comprenait pas. Il était dans une langue étrangère à ses langages connus. Et portant, elle parlait une bonne partie des langages qui se faisaient usuels dans le pays ainsi que chez ses proches voisins. Elle mit ce langage inconnu sur le compte l’isolationnisme relatif de la cité, qui lui avait sans doute empêché d’apprendre ou connaître ce dialecte. De ce fait, elle fut intéressée par ce langage, et ce qui était en train de se passer dans la salle. Elle s’avança alors, gravissant les quelques marches devant l’entrée creusé dans le mur sculpté et décoré, et poussa la grande porte de bois en forçant légèrement sur ses bras.
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