Dans une tente proche du grand feu au centre de la place improvisée de ces nomades, la comtesse, si elle l’était encore, mangeait avec face à elle cet homme, ce « Faucon » qu’elle appelait baroudeur libre. Une barbe mal taillée et un chapeau marron, fripé, pouvaient suffire à le décrire, tant le reste de ses vêtements était dispensable. Une cape beige sur le dos, avec une tenue ressemblant à cette de la femme sur tout le corps, a l’exception de la jupe, qui n’en était pas une, mais un pantalon. Il portait cependant à sa ceinture une large épée médiévale, sur son coté droite, et un pistolet patte de canard sur la gauche. Armes qu’il avait déposées à côté de lui pour manger avec plus d’aisance, assis en tailleur sur les tapisseries de la tente servant de sol. Face à lui, la femme, moins distingué qu’a son habitude. Non pas par relâchement, mais par handicap. Un handicap réel, qui se voyait a l’œil nu, pour ainsi dire. Cependant, ses mains et tout le reste de son corps conservaient une grâce et une subtilité certaine, due à ses années d’éducation, qui lui auront surement laissé des marques réflexives et instinctives dans ses mouvements et sa façon de faire.
- Alors, quand repars-tu ?
-Allons, déjà pressé de me voir partir ? Ce n’est pas très sympa pour une infirme...whola !
Il esquiva de justesse le bol de bois de nourriture que la femme, le visage crispé et emplis de colère, lui avait jeté, ou avait tenté de lui jeter au visage. L’homme regarda alors derrière lui la nourriture gâchée, répandue sur les tapis, puis lâcha un bref soupir en revenant à son repas.
-Tu peux toujours courir pour que je t’en donne maintenant.
-Plutôt mourir que de manger ce que tu as déjà touché.
-Et comment tu le saurais sans tes yeux ?
-Ne me provoque pas, baroudeur.
-Vraiment, je vous croyais plus nobles et calmes dans l’aristocratie. A moins que je ne sois tombé sur une peau de vache.
-Je n’ai plus le temps pour ces futilités, désormais. Je dois retrouver la femme qui m’a brulé les yeux, et la tuer.
-Et tu te crois prête ? Face à un lance flamme personnifié ?
A cette question, qui avait plutôt des airs d’attaque et d’évidence révélée, la femme se crispa a nouveau, se contentant de fixer dans le vide l’endroit où elle croyait que l’homme était placé. Lui redonnant un bol de nourriture, ce dernier la regarda d’un air on ne peut plus sérieux, quittant sa jovialité goguenarde.
-Si tu veux retenter ta chance face a elle, il faudrait surtout que tu puisse déjà marche plus de deux pages sans t’écrouler, ou en tout cas dans la bonne direction. Tu ne saurais même pas esquiver une génisse marchant au pas dans ton état. Je reconnais très volontiers que tu as fait des progrès, tu te débrouilles comme une… « bonne » aveugle, mais là, on parle d’un combat contre une femme qui n’a rien d’humain, de ce que j’avais vu.
-Tu étais au première loge hein…
-Il est vrai que je suis arrivé pendant votre combat, si on peut appeler cette exécution un combat. De là ou j’étais, tu n’arrivais même pas à allumer un cigare, tandis que elle, restait perchée là où elle était, créant un véritable brasier infernal en tendant simplement le bras. Elle gardait ses distances, et elle savait donc rester endurante. Le seul moment où tu avais tes chances étaient semble-il au corps à corps, mais là encore, maîtrise oblige, elle t’a envoyé six pieds sous terre.
-Pas la peine de le redire…j’étais aux premières loges. J’attends toujours que tu me présente cet homme qui t’as transmis ces informations sur mon pouvoir.
-Oh, le capitaine Ball’ek ? Eh bien, vouloir le voir résumerai presque la chose à vouloir cesser la guerre actuelle.
-La guerre…
-Oui ? La cité état de Yudanel contre le royaume ou nous nous trouvons. Ball’ek travaille pour le roi, en tant que magicien, ou alchimiste… Enfin, ils font des recherches sur des forces occultes ou magiques dans ton genre. C’est vrai que tout ce que je t’ais dit relève de ses écrits théoriques, mais cela semble marcher. D’abord travailler ta maîtrise sur le long terme, te rendre endurante…
-Il semblerait. Mais tu ne peux pas partir comme ça de toute manière.
-Je sais. Seule, si je ne maîtrise pas mes pouvoirs, je ne tiendrais pas trois jours dans ce désert.
-Mais si tu veux pouvoir le trouver, tu devras te confronter au général Tatsumi, avant de faire cela. Comme je te l’ai dit, c’est lui qui s’occupe de ce département, et c’est également lui qui est en charge de protéger la capitale en l’absence du gros des troupes.
-Je le sais, oui. Je le ferais.
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