Le jour se leva quelques heures plus tard, laissant disparaître avec lui le voile ténébreux et hasardeux de la nuit et tous les évènements qui s’y étaient déroulés. C’était encore une belle journée au matin. Les nuages blancs étaient rassemblés autour des montagnes, laisses passer les rayons du soleil sur toute la capitale. Cependant, vers midi, la voute se couvrit quelque peu, et avec elle, la grisaille monotone s’installa. Une couleur aussi triste pour tout le monde, et tout particulièrement pour ceux qui l’arboraient au quotidien. Comme miss Anokturus, qui reçut la visite du capitaine Onykan, venu lui apporter quelques petits présents de la part des membres, ayant appris de sa maîtresse que la jeune femme avait été trouvée au matin très mal en point. Alors alitée en robe de chambre, son corps caché par les draps, ses cheveux détachés, les draps avaient été changés deux fois depuis le matin, la femme les mouillant rapidement les tissus à cause de la sueur provoquée par sa fièvre qui ne voulait pas descendre. L’officier était alors à son chevet, de la part de tous.

-Voici un visage bien effrayé, sir Onykan…craignez-vous pour ma santé a ce point… ?

-Bien sur miss Anokturus. Comme tous les membres. Nous prions pour votre prompt rétablissement.

-Finalement, j’aurais peut-être dû me pencher sur ce mal de tête récurrent.

-Avez-vous vu un médecin ?

-Non, ce n’est pas un luxe que je peux m’offrir…

-Mais, et votre maîtresse ?

-Vous semblez bien optimiste sur la condition des gouvernantes en général, et tout particulièrement d’une gouvernante contaminée comme moi.

L’optimisme de l’officier Onykan avait parfois tendance à l’oublier, il était vrai. Pour lui, comme tous les autres membres du salon, mais a différents degré, il ne voyait pas cette grisaille sur les cheveux de miss Anokturus, ou Lady Ecleasia, et même Miss Syoko.

-Ne vous en faites pas pour cela, capitaine. Ce n’est pas la première fois que je montre signe de fatigue. Je serais remise rapidement pour revenir servir le thé à tout le monde.

-Bien sûr, nous vous attendons tous avec impatience.

Mais une autre figure était absente du salon, ce jour-ci. La comtesse, encore alité, car ayant pris froid, ruminait sa vengeance sous la serviette qu’elle avait sur ses cheveux, les séchant, ou plutôt les gardant au chaud de cette plongée vertigineuse qu’elle avait fait dans les douves quelques heures auparavant. Déjà en alerte, les gardes ne mirent pas longtemps à la retrouver, et la récupérer. Plus de peur que de mal car la femme avait simplement eu un beau rhume, avec une ou plusieurs côtes fêlées, l’empêchant de se déplacer à son aise. Une légère douleur l’empoignait à chaque inspiration et expirations, sa cage thoracique endommagée bougeant en continue, la laissant ainsi sur le dos. Ses yeux avaient perdus leur air sarcastique et ses lèvres étaient maintenant serrées. Le combat c’était soldé par un match nul, mais pour elle, il était loin d’être terminé.

-…J’ai été humilié dans ma propre demeure…souillée par la botte de cette femme…et blessé par la même occasion…je ne lui pardonnerai pas. Je vais la traquer, la retrouver, et la tuer de mes mains, et la vider de son sang que je boirais.

Et la principale concernée par cette traque était justement en train de boire un verre, non pas de sang, mais de digestif. Un remontant bien corsé tout en serrant les dents, le bras tendus, sa main blessée ouverte et posée sur une petite table face à une jeune femme habillée d’un kimono blanc et rouge. Elle était assise sur un lit d’apparence simple avec non loin de lui d’autre matelas disposés. A l’infirmerie, se faisant raccommoder son membre déchiré, encaissant la douleur, à vif. Elle préférait penser à ses souvenirs pour ne pas se concentrer sur la douleur qu’elle avait cependant l’habitude d’endurer. Elle se revoyait combattre cette femme pendant de longues minutes, ou aucune d’entre elle n’eut pris l’avantage. C’était ce qui la frustrait justement. Elle avait bloqué pendant tout le combat, n’arrivant pas à surpasser cette femme qui maitrisait son arme à la perfection. Depuis bien des années, elle n’avait plus eu de combats de ce genre.

-(Cette comtesse…finalement, je n’aurais pas pu me rendre chez miss Anokturus, ni fouiller le château des Kyuubei…Je ne peux plus me présenter ainsi devant le duc…quelle erreur j’ai faite…)

Sentant l’aiguille sortir de sa main, elle revint alors a la réalité et regarda sa main recousue par l’infirmière. La serrant un peu, elle sentit encore la douleur et ne pouvait pas encore s’en servir comme bon lui semblait.

-Ne forcez pas trop, sinon quoi l’hémorragie reviendra et la plaie ne cicatrisera pas. L’entaille était profonde. Vous avez de la chance si vous pourrez encore utiliser votre main comme avant.

-Très bien.

Dit-elle gravement avant de se lever, s’inclinant devant l’infirmière, puis sortant de l’infirmerie. Une main placée devant son visage, regardant le soleil aveugler ses yeux, elle sortit alors à cheval de l’enceinte de la caserne, se dirigeant vers la propriété du duc. Arrivée devant les grandes grilles noires, surmontées de piques dorées, le portail s’ouvrit de lui-même, les gardes le poussant pour laisser passer la jeune femme, encapuchonnée, l’air grave. La suite se déroula dans le grand salon du domaine, Hei, une tasse de café dans sa main bandée, et une tasse de thé pour le duc qui se tenait face à elle, tous deux assis sur les fauteuils placés non loin d’une grande étagère de chêne regorgeant d’ouvrages, et montant jusqu’au poutres du plafond. Après avoir bu sa boisson, la femme se leva alors, fit un pas en avant, avant de détacher l’arme de sa ceinture, et la tendre au duc de ses deux mains, posant les deux genoux à terre, et baissant le visage au-dessous de la hauteur de son arme, lui révélant sa nuque dénudée, ce qui surprit l’homme, qui se reprit dans l’instant.

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